Coup d'Coeur Or
| MAUVAIS GENRE - CHLOE CRUCHAUDET Résumé de l'album : Pour échapper à la condamnation qui le menace après avoir été jugé déserteur lors de la Grande Guerre, Paul Grappe, marié à Louise Landy, se travestit en femme et devient Suzanne Landgard. Pendant dix ans, il pousse la dissimulation et le changement d'identité au-delà des genres, prenant plaisir à la bisexualité, l'échangisme ou au proxénétisme occasionnel. Et Louise qui suit. Fidèle... Chloé Cruchaudet dresse le portrait d’un homme perdu, aux émotions à vif, comme tordu et tronqué par les horreurs vues sur le champ de bataille, comme englouti par les démons qui l’habitent et happé par l’univers singulier qui s’ouvre à lui, une fois métamorphosé en Suzy. La relation entre ce-dernier et Louise, son épouse, est développée sans fard, laissant transparaître le tourbillon des sentiments qui les étreint, dans lequel la pitié et la haine ne sont pas absentes, nichant, au contraire, au sein même de l’élan amoureux et de la tendresse transformée progressivement en violence. L’histoire est joliment portée par un trait délié, fin et expressif, tandis que le découpage s’affranchit des limites des cases pour livrer des vignettes aux contours flous, à l’instar des vieilles photographies de l’époque. La technique au lavis, que ne rehausse par moments qu’une touche significative d’écarlate, renforce le côté ancien, tout en s’accordant très bien au milieu décrit, celui des prolétaires parisiens et des faubourgs de la capitale. Ce que nos adhérents ont particulièrement aimé : C'est d'abord une histoire d'amour. On est séduit par ce lien fort qui unit les deux époux. Comment leur relation va t-elle évoluer ? C'est un des fils rouges de l'histoire avec celui du suspens si Paul va échapper au peloton d'exécution. La fidélité et la résignation de Louise devant la fuite et la déchéance de son mari a pu déranger, interpeller ou susciter l'admiration parmi les lecteurs et lectrices. Le traumatisme de Paul est particulièrement bien rendu, avec des dessins forts sur ses hallucinations et les cauchemars qui le rattrapent. L'utilisation du rouge nous transporte dans les angoisses et l'horreur du vécu de Paul. Ainsi l'auteur a su rapidement transmettre la réalité de la guerre qui est à la base du récit. La période est aussi très bien décrite. La conditions des femmes, le travail à l'arrière du front, les classes sociales, le libertinage caché …. Le choix de ne pas délimiter les cases , contours flous a fait aussi l'unanimité chez les lecteurs. Le libertinage n'est pas abordée de façon glauque. Bien que très présent dans l'ouvrage, le sexe n'occulte pas la relation entre les personnages et le processus de transformation de Paul et sa descente aux enfers. Enfin le scénario, même s' il s'inspire d'une histoire vrai, l'auteur a particulièrement réussi sa fin en recadrant l'histoire de son personnage dans celle de milliers d'hommes de cette époque, les gueules cassées au sens propre et au sens figuré. |
Coup d'Coeur Argent | PACO LES MAINS ROUGES - VEHLMANN & SAGOT La Guyane, le bagne : un temps révolu aujourd'hui mais une réalité cruelle pour des centaines de prisonniers condamnés à cet isolement lointain. Paco nous narre son histoire et celle de cet univers carcéral au fil du premier tome de ce diptyque. La dureté des conditions, la si courte espérance de vie d'un bagnard, la hiérarchie carcérale et aussi les sentiments qui peuvent naître entre prisonniers dans cet univers sans femmes. Le postulat narratif, sous la forme du journal autobiographique de cet instituteur condamné au bagne, quoique déroutant au départ pour une BD (les dialogues entre personnages sont quasi inexistants), accroche assez bien le lecteur. Cet univers et certaines scènes qu'on imagine très dur par la description qui en est faite sont traités avec réserve et presque douceur tant dans le dessin que dans la couleur. Cet ouvrage a été plébiscité par le club. De sérieuses réserves ont cependant été exprimées sur le procédé éditorial de plus en plus courant consistant à scinder en 2 tomes un récit qui aurait pu avantageusement être traité en un seul : le récit se trouve coupé de manière assez arbitraire et le cahier graphique en fin d'ouvrage n'a pas grand intérêt sinon celui de gonfler artificiellement le nombre de pages. Ce que les membres du club ont aimé : * l'histoire instructive et bien conduite, * le procédé narratif bien adapté au récit, * le dessin et la couleur, tout en réserve. Ce que les membres du club ont moins aimé : * le découpage en 2 tomes, * pour quelques uns, une certaine invraisemblance dans l'histoire d'amour qui se développe entre Paco et son protecteur aux vues de l'hétérosexualité des protagonistes. |
Coup d'Coeur Bronze | GUNG HO - VON KUMMANT & VON ECKARTSBERG Dans un futur proche, la «plaie blanche» à presque complètement décimé l’humanité, et la civilisation n’est plus qu’un doux souvenir. L’homme a ainsi troqué sa place au sommet de la chaîne alimentaire contre le rôle, moins vaillant, de proie. Sa survie ne tient qu’aux murs érigés autour des villes et village restants. On suit ici l’arrivé à « Fort Apache » de deux brebis galeuses, Zack et Archer Goodwoody, ados rebelles et tire au flanc. Zack veut se donner une chance de s’intégrer à la colonie, quant à Archer, sa nature ne semble pas le déranger le moins du monde. Leur vie ainsi que celle de la colonie risque de changer bien vite face à la menace des prédateurs qui rôdent et des choix à faire qui viennent avec. Le scénariste, Benjamin Von Eckartsberg et le dessinateur, Thomas Von Kummant nous livre ici un titre post-apocalyptique qui partage les avis. Les personnages, stéréotype du genre, sont bien trop clichés pour les uns alors que les autres sont d’accord pour se dire qu’il ne faut pas en demander plus pour un divertissement. (Les ados paraissent sortie d’un film de Gus Van Sant, les méchants de la série ne le sont pas assez…) Si les avis divergent sur le fond, le dessin, traité sur ordinateur, recueille une majorité d’opinion favorable. Pour résumé, face à la concurrence des récits Post-‘zombie’-apocalyptique, Gung-Ho arrive à tirer son épingle du jeu en appliquant un style plus européen au genre pour en faire un récit moins gore et peut être mainstream mais néanmoins plaisant lire. |
| EVE SUR LA BALANCOIRE - NATHALIE FERLUT Evelyn (alias Eve) Nesbit (1884-1967) arrive à New York de Pittsburgh (en Pennsylvanie) à l’âge de 16 ans avec sa mère et son frère (son père est décédé). Consciente de sa grande beauté sa mère décide d’exploiter ses charmes et la fait poser tout d’abord pour des peintres (modèle de James Caroll Beckwith) puis pour des photographes et publicitaires (beaucoup plus rentable) de la Belle Epoque. Elle devient ainsi « the true American Eve » (la vraie Eve américaine) vantant dentifrices, parfums, poudres, cigarettes, corsets…son visage est partout ! Seulement, peu à peu, ses tenues deviennent plus légères, ses poses plus suggestives…attisant le regard des hommes dont celui de Standfort White (célèbre architecte), que sa mère encourage à fréquenter alors qu’il est pourtant un croqueur de jeunes filles notoire... Elle devient pour un temps sa maîtresse attitrée et bascule dans le monde des poules de luxes. Elle vivra une histoire d’amour avec John Barrymore qui la demandera même en mariage mais c’est Harry Thaw qu’elle finira par épouser. Ce récit revient sur les 6 années de vie à New York d’Eve avec en fil rouge « le procès du siècle », l’assassinat de Standfort White par son mari. Harry Thaw était visiblement très possessif à l'égard de sa femme et obnubilé par les détails de son histoire avec White, qu'il avait baptisé the beast (la bête). Ce que nous en avons pensé : Points + : - les annexes qui donnent du corps au récit via les brèves biographies des personnages principaux, le fait que l’histoire soit basée sur des faits réels avec photos et articles de presse à l’appui - la narration construite en flashbacks qui revient sur les souvenirs d’Eve et donne ainsi du rythme au récit - le traitement graphique correspond bien à la période traité Points - : - le caractère principal, Eve, personnalité insipide, bien trop naïve et soumise (mais il est je pense nécessaire de replacer les événements dans le contexte des années 1900, la place de la femme dans la société d’alors…) d’où une difficulté certaine à se projeter et a développer de l’empathie à son égard - autres personnages également très stéréotypés (mère maquerelle et abusive, mari fou et drogué, amant croqueur de femmes) - certains se sont ennuyés à la lecture de ce biopic et ont trouvés qu’il lui manquait un petit quelque chose |
| GIACOMO FOSCARI -MARI YAMAZAKI Nous sommes en 1993 et suivons un vieil homme qui se promène dans les rues de Tokyo. Il prend le temps d'observer ce qui l'entoure. Ainsi croise-t-il inlassablement de nouveaux visages et surtout, en retrouve-t-il qui, de fil en aiguille, le replongent dans son passé. Au gré de ces rencontres et petits riens se dresse alors le portrait d'une vie, celle de Giacomo Foscari. Italien de naissance, où il a grandi dans les années 30-40 en pleine guerre et montée du fascisme, il est parti enseigner l'histoire occidentale au Japon dans les années 60. Même si certains ont apprécié ce premier tome, le trouvant apaisant par ses aspects contemplatif et méditatif, la grande majorité n'a pas été conquise. On se perd un peu dans la lecture de ce curieux récit ! L'articulation entre les différentes époques et les différents pays n'est pas clairement posée, leurs descriptions idéalisées à la limite de la caricature. Même si le dessin est dans l'ensemble de bonne facture, le fait qu'il navigue entre Seinen et Shojo/Shonen (pour certaines cases) est parfois déroutant voir déplaisant. Au final, la plongée dans la vie de Giacomo Foscari ne semble être pour l'auteure que prétexte une fois de plus (cf. sa première série, Thermae Romae) à parler de mythologie et de cette Italie si chère à son cœur. Le regard qu'elle porte sur cette histoire reste floue. Le tome 2 nous en dira peut-être un peu plus... |